Factur-X : pourquoi vos coûts comptables vont encore baisser ?

Factur-X : pourquoi vos coûts comptables vont encore baisser ?

Bonne nouvelle ! Une grosse partie des opérations de saisie comptable, souvent facturées au prix cher par les experts-comptables aux petites entreprises vont bientôt disparaitre. Attendue par tous depuis 30 ans, une nouvelle norme obligatoire de format de facture, va permettre de transformer une facture en écriture comptable, sans risque d’erreur. Cette norme a un nom : Factur-X. Faut-il s’attendre à un effondrement des coûts comptables ? Mon pronostic.

Comprendre pourquoi les coûts comptables résistent depuis 20 ans

En 1997, quand je me suis lancé dans l’expertise comptable, juste avant la première bulle internet, les experts-comptables étaient aux premiers rangs pour aider les startup à lever des fonds et à obtenir des crédit d’impôts. Pas vraiment le temps de « faire de la comtpa » ni de passer du temps à recruter des opérateurs de saisie.

Logiquement, nous cherchions tous à automatiser ou à déléguer un maximum de tâches pour ne pas freiner la croissance de nos cabinets.

Pour faire simple, nous avions le choix entre : 

·       Remplacer l’homme par la machine, en utilisant des logiciels de reconnaissance optique OCR ( Optical Caracter Recognition) - logiciels qui essayaient de lire les informations contenues dans les scan de factures.

·       Sous-traiter offshore nos travaux de saisie comptable dans les pays à faible coût (Pays du maghreb, Madagascar, principalement).

J’ai testé chacune de ces solutions. Elle permettait de réduire en moyenne les coûts comptables d’à peu près 20%. Au lieu de facturer mes clients 3.000 HT par an en moyenne. Les OCR + la délocalisation (à Madagascar) me permettait de descendre à 2.400 HT.

En 2007, 10 ans plus tard, quand j’ai créé mon 2ème cabinet ECL DIRECT, notre positionnement low cost nous obligeait là aussi à maximiser les gains de productivité. Rien n’avait changé, nous avons à nouveau combiné les deux : OCR + délocalisation de la saisie comptable en Roumanie où les rémunérations étaient très faibles. Le gain de productivité est passé à 30%. Bien, mais insuffisant.

Réduction des coûts comptables : le plafond de verre de 60% 

Nous avons alors inventé FIZEN, qui permettait de transformer les lignes bancaires en écritures comptables. Le gain de productivité a alors bondi à 60% du coût comptable global. De 3.000 HT nous passions à 1.200 HT. 

Aujourd’hui, malgré de réelles innovations technologiques et l’intégration de l’intelligence artificielle dans le traitement des documents comptables (Freddelacompta ou Tiime) les gains plafonnent à 60%. Pourquoi ?

Parce que le format des factures n’est pas standard et que ces acteurs sont obligés de corriger parfois manuellement les erreurs d’interprétation faites par la machine. 

Comment la norme Factur-X va rendre la facture « intelligente » et faire chuter les coûts comptables ? 

La seule solution pour faire chuter ces coûts de traitement, serait d’avoir une facture que la machine soit capable lire parfaitement sans intervention humaine et avec un risque d’erreur de 0%. Une facture dont le format serait totalement normalisé et dématérialisé.

Il ne faut pas confondre une facture électronique (simple document au format PDF) et une facture normalisée. La facture normalisée, c’est celle dont le format est déjà utilisé par Chorus Pro, la plateforme des opérateurs de marchés publics depuis avril 2017. 

Factur-X est un standard franco-allemand de facture électronique mixte composé :

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  • d’un fichier XML de données structurées (montant de la facture, sa date, son échéance, nom du fournisseur, etc.),
  • d'un document Pdf.

Factur-X est la première implémentation d’une norme publiée par la Commission Européenne le 16 octobre 2017.

Toutes les données contenues dans le fichier XML sont récupérées dans les systèmes d’informations et logiciels comptables et peuvent donc être traitées sans interprétation humaine, donc avec zéro risque d’erreur

Factur-X : quelles conséquences pour la petite entreprise ?

D’un point de vue pratique, pour l’entrepreneur : rien ne change dans son quotidien. S’il utilise un logiciel de facturation standard du marché (SELLSY, ODOO, EBP), il ne change pas ses habitudes, il peut continuer à envoyer des factures PDF par email. Si son client est équipé d'un logiciel de comptabilité récent, il importera les factures au format Factur-X automatiquement sans ressaisie. Dans tous les cas, il pourra toujours lire la facture. 

D’un point de vue financier, la récupération et le traitement automatiques des factures et des relevés bancaires (déjà opérationnel depuis plus de 15 ans), doit permettre de réduire les temps et donc les coût de traitement de 80 % (Taux moyen constaté au Brésil et au Chili ou un format identique a été imposé).

Exemple :

Si on se base sur un cout comptable moyen : 3.000 HT. Le traitement de données représente 50% de ce coût en moyenne. Baisse de – 80 % : soit une économie de 1.200 HT. Moins le coût d’abonnement au service = 200 HT par an (s’il n’est pas offert).

Gain total moyen : 1000 HT par an et par petite entreprise.

Factur-X : c’est pour quand ? 

Ca existe déjà. A part, CEGID dont le directeur du marché expertise comptable François Méro s'est exprimé sur le sujet en émettant de fortes réserves, la plupart des éditeurs de logiciels de comptabilité le proposent déjà. Ce qui veut dire que vous pouvez déjà utiliser des logiciels qui proposent ce format et envoyer vos factures au format Factur-X à vos clients.

Pourquoi l’autre grand gagnant de la norme Factur-X sera … le fisc !

Après le FEC, qui permet au fisc de récupérer les données comptables électroniquement.

Après la DSN, qui lui permet de récupérer les données sur les salaires également électroniquement.

Factur-X devrait lui permettre de mettre la main sur les données de facturation et sur … la TVA !

Rappelons que la TVA est l’impôt le plus important dans le budget de l’état.

En mettant la main sur les données électroniques, l’état va limiter le risque de fraude. C’est pour cette raison que le Chili, l’Argentine, la Colombie, le Brésil ont été les premiers pays à imposer un système de facturation électronique à leurs entreprises. Système qui impose à chaque entreprise d’envoyer ses factures au fisc avant des les envoyer à son client !

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Il faudra s’y préparer. En attendant, les entreprises doivent se saisir de cette solution qui devrait déjà leur permettre de gagner en honoraires ou en complément de services, de la part de leur expert-comptable. 

Vers une baisse de vos coûts comptables, mais pas forcément de ceux de votre expert-comptable

Vous l'avez compris, Factur-X va signer la fin des opérations de saisie comptable. Il était déjà possible depuis plus de 10 ans de traiter automatiquement à peu près 60% des écritures comptables. En important directement les écritures correspondant aux opérations bancaires, aux bulletins de paie et aux émissions de factures clients. Il va être maintenant possible de traiter automatiquement la plupart des factures d'achats.

D'ici 5 ans, le taux d'automatisation devrait dépasser les 95%. Seules certaines écritures "de bilan" devront encore être traitées manuellement.

Les temps et les coût de traitement comptable vont donc logiquement s'effondrer. Ce qui va permettre aux experts-comptables de se dégager du temps pour vous conseiller et pour vous aider dans le développement de votre entreprise.

S'ils se saisissent de cette opportunité, les honoraires ne baisseront probablement pas. Vous allez continuer à payer le même prix, mais pour un service de meilleur qualité.

Si par contre ils conservent leurs anciens processus et continuent à vous imposer des services que les technologies ont automatisés, la concurrence ne leur permettra plus d'accueillir de nouveaux clients. Le déclin de leur activité risquera d'être rapide et fatal.

Au final donc, tout le monde devrait être gagnant. Y compris les éditeurs de plateformes comptables s'ils regardent l'avenir avec réalisme.

Pour approfondir le débat, je soumets à la sagacité de la communauté, les deux éléments suivants : https://globaleinvoicing.com/fr/facture-electronique/union-europeenne et  https://globaleinvoicing.com/fr/facture-electronique/argentine Il ne s'agit plus ici d'OCRisation ni de "deep learning", puisque la facture dispose d'un fichier XML (ou autre format) parfaitement lisible par un "bot" qui permettrait une affectation en automatique dans la comptabilité (et donc plus de saisie).   Ces factures dématérialisées sont déjà obligatoires pour les marchés publics et dans les transactions intra européennes ou à partir de certaines tailles d'entreprises (hors du champ d'un cabinet "lambda" travaillant principalement sur la PME et surtout la TPE). Mais comme le montre le deuxième lien, il est assez facile pour un Etat d'imposer ce type de format de facture à toutes les transactions et à toutes les tailles d'entreprises. (En place en Argentine depuis avril 2019).  Et même en Europe, cela peut se faire du jour au lendemain puisqu'il existe désormais une norme commune européenne. La conséquence... disparition de tout ou partie des 70% de CA relevant de la tenue en cabinet... et des collaborateurs qui vont avec...,   

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Nathaniel Bokobza

Expert-comptable - Président chez CNB EXPERTISE

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Fabien DUPUIS 🚀

Cofounder Independant.io & Digital Marketing Consultant

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Laure Diakov

Management des organisations et communication corporate

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Merci Xavier pour cet article qui repose la problématique suivante : que faire du temps ainsi gagné ? En effet, avec la robotisation des tâches à faible valeur ajoutée et les gains de productivité qui en découlent, les experts-comptables peuvent difficilement négocier des hausses de prix auprès de leurs clients, et ne peuvent plus rester centrés sur les missions traditionnelles vis-à-vis desquelles les clients expriment une moindre disposition à payer.  Ils devraient ainsi diversifier leur activité en développant des services à plus forte valeur ajoutée : le conseil, non seulement de direction (conseil en gestion de l’entreprise et accompagnement du dirigeant) mais également des conseils en stratégie (« advisory »). Encore faut-il que cette activité de conseil soit formalisée dans une offre de services (le conseil est un vrai métier, qui nécessite des compétences, des processus et une organisation différents), sinon les cabinets continueront de rencontrer les plus grandes difficultés à le facturer et à le développer. Il y a donc un effort à faire, pour un engagement concret et une démarche professionnelle qui implique des moyens, des outils marketing et une politique de communication. Or, l’Observatoire de la profession comptable montre que depuis plus de 10 ans, les cabinets n’ont globalement pas augmenté la part de leurs revenus issus de prestations de conseil alors que le chiffre d’affaires relatif à la mission traditionnelle de tenue de la comptabilité représente aujourd’hui près de la moitié du chiffre d’affaires de la profession. Signe de cette difficulté à sortir du fameux conseil « coin de table », le conseil facturé « à part » stagne aux alentours de 7% (bien vu @Patrick Bouillet). Comme le soulignait Philippe Barré, dans l’édition du Monde du Chiffre du 30 avril dernier : « Le conseil n’est pas le métier de demain des experts-comptables ». Il y proposait la subtile différence entre « conseil » et « accompagnement du dirigeant ». Tout est-il question de sémantique ? Mais restons sereins. Dans une autre enquête réalisée par le syndicat professionnel ECF, présentée lors du Congrès national 2018 à Lyon, menée auprès de 500 professionnels du chiffre sur l’orientation de leur métier, de leurs attentes et de leurs craintes : 62,2 % des professionnels restent confiants en l'avenir de la profession du chiffre et son développement.

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