culture - édition Desproges par Desproges illustré : son autoportrait jamais vu

Nathalie Chifflet - 19 nov. 2017 à 05:00 - Temps de lecture :
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Pierre Desproges et Hélène vont à la mairie.  Photo DR
Pierre Desproges et Hélène vont à la mairie. Photo DR

Desproges par Desproges ? C’est drôle, touchant, grinçant, un peu extraordinaire même. On rit beaucoup, comme on se marrait avec lui vivant, qui manque à l’époque : les souvenirs de Pierre Desproges ressemblent à la malle à malices d’un garnement qui s’est amusé du monde et l’a secoué d’un grand éclat de rire, noir et absurde. Il était rosse, « un sale gosse » s’amuse sa fille cadette.

Comme un petit rapporteur de lui-même, Pierre Desproges gardait tout, dans un souci de mémoire maniaque : les lettres, même et surtout d’amour, les correspondances imaginaires, les photos, les articles de presse, ses dessins et collages, ses chansons de jeunesse, ses vraies et fausses publicités… Longtemps, sa veuve Hélène a veillé sur cette boîte à trésors de l’artiste le plus anticonformiste du XXe  siècle, mort au printemps 1988, emporté en quelques mois par un crabe. Il y a trente ans, par un sale temps d’automne, il apprenait son cancer. Il l’avait dit : « Les imbéciles n’ont jamais de cancer. C’est scientifique ». Longtemps, ses filles, Perrine et sa sœur Marie, ne se sont pas souciées de regarder de plus près ce précieux héritage : « Ça faisait partie des meubles ». Et puis leur mère gérait scrupuleusement et fidèlement l’œuvre du père, l’œil sur ce qui s’éditait. « On lui faisait confiance ». En 2012, Hélène Desproges est morte, d’un cancer elle aussi. Alors la fille cadette lui a succédé pour perpétuer le travail de mémoire vive du père, mort quand elle avait 10 ans.

Près de trente ans après sa disparition

À quelques mois du trentième anniversaire de la disparition du délirant Monsieur Cyclopède à la minute nécessaire, qui fut aussi le fantasque procureur du Tribunal des flagrants délires, Perrine sort de l’ombre en conservatrice du musée personnel d’un Desproges jamais vu. Elle l’expose dans un épais livre (340 pages) illustré d’étonnants documents inédits, truffé de perles irrésistibles, de trésors inattendus. En ouvrant les cartons de ce père, « normal même s’il n’avait pas le métier de tout le monde », Perrine a moins redécouvert le personnage iconoclaste, l’artiste incasable, que l’homme plus privé, tendre et férocement romantique dans les lettres passionnées à Hélène, « une sacrée bonne femme ». Ainsi se redessine le portrait connu de l’humoriste armé de mots, sous des traits intimes attachants.

Ce presque autoportrait est une somme de documents, une biographie enrichie, pas une célébration. « Il n’aurait pas aimé ça », dit Perrine Desproges, qui se souvient que son père n’aimait pas les confidences ni cette célébrité qui lui était venue tard, à 37 ans, avec le Petit rapporteur, l’émission humoristique dominicale animée par Jacques Martin qui le hissa en haut du podium.

> « Desproges par Desproges », Éditions du Courroux