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La Rumeur fustige les dérives du rap français

Les deux membres fondateurs du groupe de rap ont réalisé un film pour la télévision.

Par Thomas Monnerais

Publié le 20 mai 2011 à 14h02, modifié le 20 mai 2011 à 16h17

Temps de Lecture 3 min.

A défaut d'occuper les bacs des disquaires, Hamé et Ekoué, deux membres fondateurs du groupe de rap La Rumeur, vont investir les écrans de télévision. Les auteurs de L'Ombre sur la mesure ont écrit et réalisé le téléfilm De l'encre pour Canal+, qui le diffusera le 15 juin.

"Après mes études de cinéma à New York, je suis revenu avec des idées en pagaille", raconte Hamé, 35 ans, titulaire d'un DEA de cinéma. Une rencontre avec Bruno Gaccio, ancien auteur des "Guignols" aujourd'hui producteur, et les voilà vitupérant les dérives du rap industriel et réglant son compte au slam.

"Moi, je respecterai un slameur le jour où il se fera attaquer par le ministère de l'intérieur", déclare Hamé. En 2002, il est accusé par le ministère, alors dirigé par Nicolas Sarkozy, d'avoir diffamé la police dans un article paru dans le fanzine La Rumeur magazine. Huit ans d'instruction et cinq procès plus tard, la justice l'a relaxé.

"Il n'y a pas de subversion dans le slam, ça ne dérange pas. Ça ne dit rien, c'est de la musique d'ascenseur", affirme Hamé, à l'issue de la projection de presse. Son acolyte Ekoué, 36 ans, diplômé de Sciences Po Paris, s'est éclipsé. Et d'enchaîner : "La montée en puissance du phénomène slam, c'était tout de suite après les émeutes, en 2005. A partir de 2006, le slam devient le volet fréquentable des musiques urbaines." Autrement dit, l'émergence de Grand Corps Malade et d'Abd Al Malik a porté préjudice à la véritable culture hip-hop. "Il y a eu un engouement pour le slam, qui a été vu comme une forme de rap plus douce. Mais on ne peut pas réduire le slam à un discours consensuel, il porte aussi un discours critique et politique. Aux Etats-Unis, il y a des slameurs engagés, comme Saul Williams", affirme Loïc Lafargue de Grangeneuve, sociologue des cultures urbaines et de leur rapport aux institutions.

De l'encre met en scène le destin d'une jeune rappeuse, Nejma, dans les méandres de l'industrie du disque. Son travail consiste à écrire des textes pour le slameur à succès Diomède. Hamé et Ekoué évoquent là une pratique qu'ils disent de plus en plus répandue dans le rap français, le ghost writing, équivalent du "nègre" en littérature. "On voulait montrer qui travaille réellement, comment les produits se font, se construisent, se fabriquent. Dans le rap, un MC (maître de cérémonie) qui n'écrit pas ses textes n'a plus aucune crédibilité", affirme Hamé, sans vouloir donner de noms.

Un signe de "variétisation"

Aux Etats-Unis, où le rap est identifié comme un genre commercial parmi d'autres, le ghost writing est une pratique revendiquée. Preuve en est ce vers de P. Diddy, rappeur-producteur new-yorkais aux 75 millions de disques vendus, dans son morceau Bad Boy for Life : "Ne vous souciez pas de savoir si je signe des rimes, je signe des chèques." Une phrase que l'on doit justement à son ghost writer. "Dans le rap bling-bling, le débat ne se pose même plus, c'est tout à fait courant. C'est un signe de la "variétisation" du rap", regrette Hamé.

Mais un groupe de rap qui a signé avec une major du disque (EMI) et qui réalise un film pour la télévision n'est-il pas lui-même en train de s'aseptiser ? " C'est un débat qu'on a eu avec les purs et durs qui nous entourent. Mais il ne faut pas avoir peur de mettre ses convictions à l'épreuve de la réalité. On ne vit pas dans un vase clos, on n'est pas des doux rêveurs. De toute façon, c'est toujours le système qui a le dernier mot", lâche celui qui se revendique du situationnisme.

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