Rares sont les artistes rap en France à pouvoir se vanter d’avoir publié douze albums, écrit deux romans et joué le rôle shakespearien d’Othello. A 40 ans, Disiz La Peste a déjà une carrière multiforme derrière lui. Découvert par le grand public sur la bande originale du film Taxi 2 en 2000, il est cette année-là l’auteur du tube de l’été : J’pète les plombs, dont le clip est une parodie du drame de Joel Schumacher, Chute Libre. Depuis, le rappeur, qui sort le 14 septembre un remarquable douzième opus, Disizilla, n’a cessé de se réinventer : « La forme change, certes, mais le fond est le même. » Inspiré par le manga japonais Akira, de Katsuhiro Otomo, qui raconte la survie d’adolescents dans un Tokyo post-nucléaire, ce nouveau disque propose un questionnement sur la monstruosité autant qu’un récit des propres mutations de son auteur. Disiz La Peste y explore à nouveau les thématiques de l’enfance et de l’inadaptation sociale.
« Avec la réussite, j’avais fui les trucs pas cool. Aujourd’hui, à 40 ans, c’est comme si tout ce passé ressurgissait d’un coup. »
Père de cinq enfants, marié avec son amour de jeunesse, Serigne M’Baye Gueye, de son vrai nom, est le fruit d’un amour tumultueux entre un étudiant sénégalais et une bibliothécaire picarde. Elevé par sa mère dans une cité HLM d’Evry, dans l’Essonne, il grandit entre les histoires de son quartier et les vacances scolaires auprès de ses tantes maternelles un peu partout en France. Avec le rap, il trouve à l’adolescence un exutoire à ses problèmes identitaires, sa « complexité française », écrit-il dans son album Transe-Lucide, en 2014. Mais les blessures d’enfance ne passent pas. « Avec la réussite, j’avais fui les trucs pas cool, explique-t-il dans les bureaux de sa maison de disque. Aujourd’hui, à 40 ans, c’est comme si tout ce passé ressurgissait d’un coup. »
Déjà, son précédent album, Pacifique, publié l’an passé, ressassait sa nostalgie de l’adolescence. Les morceaux laissaient transparaître une grande fatigue face à un monde chaotique, même si certains étaient illuminés par les compositions de son ami Stromae (Splash et Compliqué). « Au moment où je l’ai enregistré, précise le rappeur français, j’attendais mon cinquième enfant. J’étais un peu plus apaisé, j’avais encore de l’espoir. Et puis, sur ce disque, c’est peut-être le ressac. C’est la colère. Ma mère a eu un cancer du sein après la sortie de Pacifique. Par conséquent, tout ce qui est dans Disizilla a un rapport avec les radiations. »
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