No One Is Innocent : «Jusqu’ici, tout va bien »

Le groupe français de rock, en tournée depuis le printemps, sera mercredi soir à la Cigale de Paris. Entretien avec son leader, le chanteur Kemar.

 No One Is Innocent sera en concert à la Cigale de Paris mercredi 21 novembre.
No One Is Innocent sera en concert à la Cigale de Paris mercredi 21 novembre. Stéphane Hervé

    Sur la route depuis plusieurs mois, No One Is Innocent entame en ce moment la dernière partie de son périple, qui l'amène mercredi prochain à la Cigale de Paris*. Une salle chère au groupe de rock énervé français, puisque c'est dans cette salle qu'il y a enregistré, le 30 novembre 2015, quelques jours après les attentats terroristes, son «Barricades (Live) », en faisant monter sur scène des survivants de Charlie Hebdo.

    VIDEO. No One Is Innocent fait monter Charlie Hebdo sur scène (2015)

    Depuis, No One a sorti un nouvel album studio, «Frankenstein », une nouvelle fois un bon cru pour la formation française revenue aux affaires au début des années 2000 après un hiatus de plusieurs années. Son leader, et seul membre originel encore là, le chanteur Kemar, nous a accueilli dans un petit restaurant du XVIIIe pour parler de son groupe.

    Peux-tu dresser un bilan de tout ce qui s'est passé pour le groupe entre la sortie de votre précédent album studio ( «Propaganda», en 2015), et ce «Frankenstein», sorti au printemps dernier ?

    KEMAR. C'était une période à la fois d'enthousiasme, de renouveau, artistiquement parlant, et en même temps tragique. Durant ces années-là, le groupe a pris conscience qu'il avait un petit rôle à jouer. Cela aurait été une faute professionnelle pour nous de ne pas faire un morceau sur Charlie Hebdo, de ne pas dénoncer la propagande djihadiste... Tout au long de la tournée de « Propaganda », Shanka faisait un discours avant le début du concert, dans lequel on avait envie de dire, avec lui, qu'il fallait absolument défendre la liberté d'expression, qu'on ne devait pas plier face à ce qui s'était passé, et surtout, qu'il fallait réfléchir et ne pas tout faire sous le coup de l'émotion. C'est pour cela que nous avons plus tard invité les gens de Charlie sur scène avec nous, qui n'ont malheureusement pas été beaucoup suivis par les gens de la musique. Je ne veux jeter la pierre à personne mais, dans l'univers du rock, à part Tagada Jones, Mass Hysteria, personne ne s'est vraiment mobilisé. Et surtout pas ceux qui ont une grosse notoriété...

    En restant au domaine strictement musical, vous avez vécu de belles émotions, entre votre première partie d'AC/DC au Stade de France, votre passage au Hellfest, etc ?

    Ca a été deux années de dingues. Nous avons commencé avec deux AC/DC au Stade de France, et on a terminé la tournée avec deux concerts avant les Insus, au Stade de France. Tu ne peux pas rêver mieux ! Nous sommes le groupe de rock français recordman de passages au Stade de France (rires) !

    La pochette de l'album en public "Barricades (Live)" donne une bonne idée de ce que donne No One Is Innocent sur scène.../
    La pochette de l'album en public "Barricades (Live)" donne une bonne idée de ce que donne No One Is Innocent sur scène.../ Stéphane Hervé

    Il y a aussi eu cette soirée avec Tagada Jones et les Shériff...

    Oui, pendant la présidentielle de 2017 (le 22 avril, à l'Elysée-Montmartre de Paris). Nous avons décidé, encore une fois à notre niveau, de faire entendre nos voix sur scène, pour dire à ceux que nous avions en face de nous ne faites pas les cons, allez voter ! Même si vous n'y croyez pas, même si c'est le vote du moins pire, allez-y ! Nous ne regrettons rien. Au final, on a eu Macron, mais on a évité le pire.

    Vous avez finalement trouvé votre rythme, depuis votre retour, un nouvel album tombe régulièrement tous les 3 ou 4 ans...

    Nous avons trouvé notre rythme, notre façon de travailler, un équilibre dans le groupe. Il y a aussi l'arrivée de Popy à la seconde guitare (en 2015) qui a changé énormément de choses, à la fois artistiques et humaines. On s'est remis au travail sans tarder parce qu'on s'est très vite rendu compte que la triplette Popy, Shanka et moi, formions une équipe super équilibrée, sans rivalité d'ego. Je suis un peu au milieu des deux, je canalise, entre deux personnalités différentes mais qui s'apprécient énormément. Les autres nous font confiance et c'est réactif, animal, enthousiaste...

    Parle-nous de ce nouvel album, «Frankenstein».

    Son écriture a été plus facile que celle de «Propaganda». Je pense que nous sommes revenus facilement à notre ADN de base. Nous avions beaucoup de thèmes dans nos tiroirs, beaucoup d'idées de riffs sont venues rapidement, et nous avons gardé la même démarche : il faut que la musique influence le texte. Tu ne peux pas avoir les paroles de «Frankenstein» sur la musique de «A la gloire du marché», sur «Les Revenants», tu ne peux pas avoir les textes de «Ali (king of the ring)». Sur «Ali», qui n'était encore qu'au stade instrumental, je me suis aperçu que le morceau était plein de droites, de gauches, d'uppercuts, d'esquives... La disparition de Mohamed Ali nous avait déjà touchés, je me trimballe depuis 5 ans en tournée avec un sac qui a une photo de Mohamed Ali...C'était évident de parler de lui. On a besoin dans chaque album de se raccrocher à un héros.

    VIDEO. «Frankenstein»

    «Frankenstein» montre un No One toujours aussi énervé ?

    Avec la chanson « Frankenstein », nous avons voulu sortir de l'émotion dans laquelle nous nous trouvions pour « Propaganda ». Ce que nous y racontons n'est pas nouveau, l'ingérence des Américains et de leurs alliés au Proche-Orient. Nous avons voulu mettre le doigt sur le fait qu'ils ont créé des Frankenstein. C'est important pour nous d'en faire un morceau qui puisse servir de thérapie. Dans le premier morceau de l'album, « A la gloire du marché », on a voulu remettre le couvert sur la finance mais là, traité différemment. « Desperado » est un morceau sur le burn out. Nous avons eu pas mal de conversations avec des potes à qui c'est arrivé, la musique présente ici un côté assez épileptique. J'aime bien cette phrase, « jusqu'ici tout va bien ». Je l'utilise deux fois dans l'album, je m'en suis déjà servi par le passé. Elle nous montre qu'on est sur le fil, que ça barde de partout mais jusqu'ici, tout va bien.

    Dans tes paroles, tu t'inspires souvent de l'actualité, semble-t-il ?

    Je regarde beaucoup les chaînes d'info, car je veux savoir de quoi elles parlent, comment elles en parlent, qui elles reçoivent. Cela t'aide à réfléchir. Je lis aussi la presse, du Parisien au Canard Enchaîné. Je ne te cache pas que dans le Parisien, je lis surtout les pages spectacles et les sports ! J'ai aussi de temps à la maison le Nouvel Obs et le Point, les deux.

    Vos titres sont courts, ils disent tout en 3 minutes…

    Nous sommes l'anti-Metallica ! Nos morceaux dépassent rarement les 4 minutes. Mais nous avons aussi un titre comme « Nous sommes la nuit », où l'on rentre dans un autre univers et on se lâche plus.

    VIDEO. «Paranoid»

    L'album se termine sur une reprise inattendue du « Paranoid », de Black Sabbath…

    Pour nous , ce n'est pas du tout inattendu ! Black Sabbath a toujours été dans l'ADN de No One. Mais il faut voir aussi le travail accompli par Shanka sur le morceau. Si c'est pour refaire « Paranoid » à l'identique de l'original, ça n'a aucun intérêt. En plus, c'est lui qui chante dessus, j'adore !

    NOTE DE LA RÉDACTION : 4/5

    Album «Frankenstein », Verycords. Egalement en concert à Montpellier le 23 novembre, à Marseille le 24, à Lyon le 27, à Bordeaux le 29, et à Villiers-le-Bel le 7 décembre.