Le lin normand prépare son avenir malgré la crise

Avec la pandémie de Covid-19, les stocks s’accumulent et le marché peine à redémarrer. Les liniculteurs misent pourtant toujours sur le végétal high-tech pour répondre aux enjeux climatiques et économiques.

 Président de la Confédération Européenne du Lin et du Chanvre (CELC) mais aussi président de la Coopérative de Teillage de Lin du Plateau du Neubourg (Eure), Pascal Prévost reste optimiste quant au marché du lin à l'exportation.
Président de la Confédération Européenne du Lin et du Chanvre (CELC) mais aussi président de la Coopérative de Teillage de Lin du Plateau du Neubourg (Eure), Pascal Prévost reste optimiste quant au marché du lin à l'exportation. #PRESSE30

    Dans une frange comprise entre Caen et les Flandres, le lin est la noblesse des végétaux cultivés. L'intégralité de la plante est utilisée dont les 25 % de fibre qui vont rapporter 90 % de la recette à son agriculteur. En France, la surface exploitée est de 121 569 ha pour 145 000 t de fibres longues destinées à l'industrie textile. De par son sol, son influence océanique et son savoir-faire ancestral, la Normandie produit à elle seule 50 % du marché mondial jusqu'à la fin 2019, en progression de 10 % par an et ceci sur les dix dernières années. Ce sont 5 000 exploitations agricoles qui consacrent 15 % de leurs surfaces en France pour fournir une qualité dont le label European Flax est vanté dans le monde entier.

    « Ce ne sera pas le millésime du siècle »

    Tout allait bien dans le meilleur des mondes si 2020 ne cumulait pas les difficultés. « D'abord, c'est une récolte avec des fibres plus courtes. Ce ne sera pas le millésime du siècle. La qualité est moins bonne et le volume plus faible. Cependant, nous arriverons à trouver des marchés. Les filateurs feront des assemblages. Seulement, le prix de vente sera plus bas », explique Pascal Prévost, porte-parole incontesté du lin en qualité de liniculteur mais aussi de président de la Confédération Européenne du Lin et du Chanvre (CELC), de président du Conseil Professionnel et Commission Technique R&D Lin Fibre et de président de la Coopérative de Teillage de Lin du Plateau du Neubourg (Eure). Mais, selon lui, « pour le moment, on a de quoi soutenir l'offre en termes de qualité car les agriculteurs ont encore près de 50 % de la production 2019 en stock ».

    L'Asie redémarre, l'Inde inquiète

    Le véritable frein au développement de la filière du lin est lié à la pandémie et cela, depuis le début de cette année : « Nous exportons 90 % de notre lin en Chine et en Inde, mais cela ne représente que 0,4 % du tissu mondial contre le polyester. Avec le confinement, tout s'est fermé. La consommation s'est arrêtée. Les boutiques fermées, les vêtements ne se vendaient plus sauf pour l'e-commerce en augmentation mais pas assez pour compenser. Avec cette crise conjoncturelle, les gros donneurs d'ordres que sont les grandes marques sont restés attentistes », explique le spécialiste. Alors, même si le déconfinement en Chine a relancé quelque peu les expéditions, beaucoup de questions restent en suspens : « l'Inde nous fait peur. Comment on va digérer tout cela ? Comment vont réagir les consommateurs ? Car, ce sont eux qui sont les vrais décideurs. »

    « On a tous les atouts pour rebondir »

    Cependant, la filière française du lin ne reste pas les deux pieds dans le même sabot. Par exemple, la Coopérative de Teillage de Lin du Plateau du Neubourg, dirigée par Bertrand Coulier, termine l'installation de ses deux nouvelles lignes de production : « Cela va augmenter notre offre de 50 % », détaille le directeur-adjoint Christophe Burel. En parallèle, la recherche confiée à Arvalis « travaille sur l'amélioration de la qualité. Nous ne misons pas sur un lin bodybuildé, mais sur celui qui saura répondre aux enjeux climatiques pour faire que notre région reste leader et pour progresser. On a tous les atouts pour rebondir », affirme Pascal Prévost.

    Des industriels soutenus par des élus se font aussi entendre avec la volonté de relancer la filature française : « Il y a Emmanuel Lang en Alsace, Safilin avec ses usines en Pologne ou encore, récemment, Natup qui déclare vouloir produire 200 t de fil, soit 500 t de fibre de lin utilisées. Sur 182 000 t récoltées en France, c'est anecdotique. On est ravi que cela existe, mais la réalité agro-industrielle est que le marché est mondial. Les Chinois ne sont pas nos ennemis, car nous sommes sur un marché global de gré à gré sans cours. Malgré tout, comme communication, il faut que cela marche », complète le Président du CELC.