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Pourquoi la rencontre du pape avec le chef de l’Eglise orthodoxe russe est très importante

La rencontre du pape François mardi à Cuba avec Kirill, le chef de la puissante Eglise orthodoxe russe, est le résultat d’un long et délicat processus diplomatique.

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Le pape François et le chef de l’Eglise orthodoxe russe se retrouve ce mardi à La Havane

Par Florence Renard-Gourdon

Publié le 12 févr. 2016 à 12:48

L’annonce a créé la surprise mais elle n’est pas le fruit du hasard. Le pape François se rend à Cuba ce mardi pour uneavec le chef de la puissante Eglise orthodoxe russe, Kirill. D’une durée de deux heures et préparée dans le plus grand secret, cette rencontre se déroulera à l’aéroport Jose Marti de La Havane et doit aboutir à une déclaration historique de six pages signée par les deux hommes.

Pourquoi Cuba ?

Le lieu de la rencontre, la Havane, a été en partie choisi pour sa commodité. Kirill sera déjà à Cuba en visite officielle et le pape, en route pour le Mexique pour un voyage de six jours, n’aura qu’à faire un court détour pour s’y rendre.

Cuba est surtout considéré comme un « terrain neutre ». Pays communiste longtemps isolé de la communauté internationale, Cuba présente l’avantage d’être loin de l’Europe et d’être un allié de longue date de la Russie. Son président, Raul Castro , entretient aussi de bonnes relations avec le Vatican. En septembre dernier, le pape s’était rendu à Cuba avant d’aller aux Etats-Unis et a joué un rôle clé dans le rapprochement entre les deux pays.

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Un objectif religieux…

Cette rencontre permet de franchir une étape cruciale dans le processus de réconciliation entre les Eglises catholiques et orthodoxes, séparées depuis le schisme de 1054. Aujourd’hui, il y a environ 1,2 milliard de catholiques dans le monde et plus de 250 millions d’orthodoxes, dont les deux-tiers sont orthodoxes russes. Le christianisme orthodoxe est constitué d’un certain nombre d’églises, principalement basées en Europe de l’Est et au Moyen-Orient. Ces Eglises sont regroupées en fonction de leur nationalité, de leur langue et de leur culture. Le patriarche œcuménique de Constantinople est le leader officiel de l’orthodoxie orientale, le «premier parmi ses pairs ». Mais chaque église est indépendante et l’église russe a souvent affirmé haut et fort son autonomie.

Si depuis Paul VI, de nombreuses rencontres ont été organisées entre papes et patriarches de Constantinople, jamais jusqu’ici, un chef du Saint-Siège n’avait rencontré un patriarche russe.

L’Eglise orthodoxe russe a longtemps résisté aux appels d’ouverture du Vatican, craignant le prosélytisme catholique. Elle a aussi du mal à accepter l’importante communauté de catholiques uniates, c’est-à-dire fidèle à Rome mais de liturgie orthodoxe, qui vit en Russie. Sans compter le conflit ukrainien où les grecs-catholiques sont aux côtés du gouvernement de Kiev. Aujourd’hui encore, le patriarche russe a prévenu qu’il reste beaucoup de « plaies ouvertes » dans sa relation avec le Vatican.

L’impulsion secrète de cette rencontre semble donc tenir donc avant tout à la persécution des chrétiens du Moyen Orient. « Il est nécessaire de mettre de côté les désaccords internes et d’unir nos efforts pour sauver le christianisme dans les régions où il est soumis à la persécution », a déclaré l’Eglise russe.

Ces dernières années, les guerres et la hausse du militantisme ont décimé les populations chrétiennes de la région. En Irak, par exemple, on estime qu’il y a moins de 200.000 chrétiens, contre 1,5 million avant-guerre. En Syrie, les chrétiens sont nombreux parmi la marée de réfugiés fuyant le régime en place et Daech. Et en Egypte, les coptes restent vulnérables en dépit des assurances du président égyptien, Abdel-Fattah el-Sissi, d’une égalité de traitement.

… et diplomatique

Selon l’historien du Vatican, Alberto Melloni, interrogé par le New York Times , cette rencontre a aussi d’importantes implications géopolitiques car elle intervient à un moment où les Etats-Unis et l’Europe tentent d’isoler la Russie sur l’échiquier mondial de la diplomatie.

L’Eglise russe et Moscou sont étroitement liés, rappelle-t-il, et cette rencontre a forcément reçu l’aval de Vladimir Poutine. Ce faisant, le président russe peut montrer aux Occidentaux qu’il dispose de moyens pour éviter l’isolement, souligne-t-il. « Pour Poutine, c’est un bon résultat », confie-t-il.

Quant au pape François, il s’agit face à une « troisième guerre mondiale par morceaux » de « bâtir des points » avec la Russie, qui a un rôle clé au Moyen-Orient et se pose en protectrice des chrétiens d’Orient. Depuis 2013, Vladimir Poutine a rendu visite deux fois au pape François. Après avoir joué un rôle clef dans la reprise des relations diplomatiques entre Cuba et les Etats-Unis, le pape médiateur pourrait aider à calmer les tensions entre l’Est et l’Ouest en conjurant le spectre d’une nouvelle « guerre froide ».

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