JP Manova : Du son et du sens !

Avec « 19h07 » – son premier album – JP Manova signe l’album de rap français qu’on nattendait plus. Repéré au milieu des années 1990 en featuring sur des albums majeurs (« Les Liaisons dangereuses » de Doc Gynéco) le Parisien aura pris tout son temps pour livrer ces onze pépites. Entre temps, JP Manova a voyagé, travaillé comme salarié mais toujours enregistré des tracks. Loin des modes qui se démodent, si « 19h07 » est un album d’une rare finesse littéraire il reste cependant très groovy. Et sil est bien ancré dans la réalité on peut y ressentir une grande poésie. Bref cet album est un ovni ! Le trentenaire semble surpris du très bon accueil reçu par « 19h07 », jusqu’en Angleterre ou le gourou Gilles Peterson l’a playlisté dans sa mythique émission de radio Worldwide. Rencontre avec l’auteur, compositeur, MC, producteur et ingénieur du son le plus passionnant du moment.

Pourquoi avoir attendu si longtemps avant de sortir un album ?
Je suis un perfectionniste et pas franchement opportuniste. Je voulais donc sortir mon album au bon moment. Je ne voulais pas poster des titres sur le Net et faire chou blanc. J’ai beaucoup observé mes amis avancer dans le rap et jai vu les erreurs à ne pas commettre. Jai connu pas mal de périodes compliquées et je voulais être bien dans mes baskets au moment de la sortie de ce premier album. J’ai dû bosser pour me nourrir, dans le transport ou la logistique, aller au charbon comme tous salariés. Cest ce que je raconte dans l’album. Et je voulais que la musique reste un exutoire, qu’elle ne soit pas un impératif économique. Du coup c’est vrai que j’ai bien pris mon temps…

Et pourquoi aujourd’hui alors ?
Rocé m’a demandé de mixer son album et de monter sur scène avec lui. Cela m’a donné envie de partager ma musique car la garder sur un disque dur n’a pas de sens ! J’ai un studio d’enregistrement chez moi depuis quinze ans, et j’ai peut être produit plus de musiques que beaucoup de rappeurs mais sans la sortir. Cest ma signature chez Modulor m’a fait comprendre qu’il fallait y aller, se confronter au public. Maintenant je me projette déjà sur le prochain album. C’est parti !

Où vous situez-vous entre la scène gangsta rap et rap conscient ?
Je ne jette la pierre à personne, mais il y a eu un moment où le rap était devenu tellement mauvais que je n’avais pas envie de me mélanger. Cependant je ne peux pas reprocher à ces mecs d’aligner des refrains merdiques pour faire vivre leur famille. Je n’aime pas les étiquettes, quand on parle de rock, on peut penser à Téléphone ou à Led Zeppelin, c’est très large ! Alors pourquoi poser des étiquettes dans le rap ? Cela dit, le rap commercial, celui qu’on entend à la radio, n’est qu’un aspect du rap : des artistes comme Yoshi, la Face Cachée ou l’Animalerie à Lyon forment une autre facette du rap. Il y a de la place pour tout le monde. C’est vrai qu’il y a un retour des fondamentaux et que les gens en ont assez de l’éloge du pseudo-gangstérisme. Mais je ne me sens pas en mission, je pourrais très bien poser sur un morceau de Trap!

Dans l’album vous abordez des thèmes rares comme la reproduction sociale, le travail salarié ou la banalisation du racisme. Vous vous adressez à un public plutôt mur ?
C’est un début de discussion avec le public. J’aimerais bien lire des critiques contre mes textes pour engager le dialogue. En premier lieu je pense à la musicalité des mots, il faut que ça sonne, qu’il y ait de l’énergie. C’est un mélange de fond et de forme. Si on veut écouter mes titres sans se plonger dans les textes il faut que cela soit possible !

Un de vos titres raconte l’histoire du leader africain Sankara. Pensez-vous que le rap puisse amener le public à se plonger dans des livres pour creuser un thème ?
Le titre, Sankara, est déjà une invitation à découvrir cet homme. Il ne faut pas que ce soit péremptoire, sinon ça ne marche pas. Quand Dylan chante l’histoire de Rubin Carter dans Hurricane, il raconte le racisme via l’histoire de ce boxer emprisonné. N’importe quelle musique peut amener le public à prendre un livre et creuser un thème. Ce n’est pas la mission du hip-hop mais une de ses vertus, certainement !

Concert le 10 juillet à Paris au Pan Piper

Propos recueillis par Willy Richert

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JP Manova – Pas de bol