Anna Rozen - J?ai eu des nuits ridicules .
Anna Rozen vous présente son ouvrage « J?ai eu des nuits ridicules ». Parution le 1er octobre 2014 aux éditions Dillettante. Rentrée littéraire 2014. http://www.mollat.com/livres/rozen-anna-des-nuits-ridicules-9782842638092.html Notes de Musique : ?Un triste soir d'été en bord de lac? (by Circus Marcus). Free Music Archive.
On attend toujours quelqu'un ou une surprise. Il y a les vieux avec une bouteille à leur nom et beaucoup d'amis à leur table. Les beaux, debout au comptoir qui toisent, ou parlent au barman sans regarder personne.. Et les filles. Et moi.
Il y aura Stevie Wonder. C'est l'époque de Songs in the Key of Life, le double album soleil, orange. Le titre me faisait l'effet d'un testament.
Alors, écoutez bien : chaque soir au moment de vous endormir, vous retracez vos pas de la journée. Vous pouvez commencer dès le réveil, mais j’ai remarqué que c’est plus amusant de partir du moment où vous êtes dehors. Vous visualisez le chemin que vous avez emprunté en sortant de chez vous et vous allez voir, c’est extraordinaire, vous allez retrouver les personnes que vous avez croisées, ou juste regardées en passant, c’est comme un film. C’est très curieux à quel point le cerveau garde des images précises de choses – enfin, de gens, ça marche mieux avec les gens, je trouve – qui sont passées dans votre champ de vision. Vous les faites revivre, et vous avec, vous multipliez le temps. Essayez, vous m’en direz des nouvelles !
D'abord j'ai entendu la goutte. Ploc !
J'étais debout dans la baignoire sabot, savonnée, rincée, prête à m'essuyer, immobile dans le silence. Ploc ! J'ai vérifié que le robinet était bien serré. Ce ne sont pas les gouttes qui manquent dans une pièce où on vient de prendre une douche. Minutes entre deux impacts, le temps que la goutte se gorge et se laisse tomber. J'ai fini par admettre de regarder en l'air, scruter le plafond. Là, une brillance ponctuelle qui s'arrondit, s'accentue, se décide, se décroche. Ploc. Une goutte claire et froide pleut de là-haut, de mon ciel bleu glycérophtalique sans nuages.
J'habite au deuxième étage d'un immeuble de cinq. Uniquement des studios empilés les uns sur les autres, deux colonnes. Je ne connais aucun de mes voisins. Il va falloir surveiller cette goutte qui vient visiblement de chez l'un de ces inconnus. Ce ne sera peut-être rien. Une baignoire qui déborde, ça n'arrive pas que dans les films.
"Pourquoi laisser aux autres l'initiative des tâches ménagères alors qu'on peut non seulement s'activer à leur place, mais aussi, ensuite et de surcroît, leur reprocher leur incurable fainéantise."
"Ce qui est fini, c'est seulement le très mauvais moment. Tant qu'on est là et que quelqu'un vous le chuchote à l'oreille , tant qu'on est là, même si c'est fini, tout peut recommencer. Encore
Il me semble moi, que j'aime plus, au fur et à mesure que je connais mieux...Je crois que l'espèce de coup de foudre initial, s'il a lieu, se renforce avec le temps, quand on trouve chez l'autre, en plus de l'inexplicable élan, des "raisons" d'aimer. Des raisons d'avoir raison d'aimer sans raison.
Sortie de la douche bouillante elle s'est enveloppée dans une serviette blanche et jetée sur le lit. Les bras encore humides un peu écartés mais en alerte, les jambes brûlantes en petit V, pieds pendant dans le vide, face à un grand miroir au cadre de métal travaillé de volutes.
Ses escapades imparfaites lui redonnaient l'enthousiasme et rendaient à son amant cette place à part qui n'était pas la sienne par hasard. Et d'ailleurs, qu'elle le partage presque volontiers n'était-il pas le signe même de sa valeur exceptionnelle?
Elles en ont terrifié, des hommes, nos amies célibataires avec leurs envies de descendance et leurs rêves d'"équilibre affectif". Des hommes avec qui elles auraient pu avoir l'histoire entière peut-être, mais qui se sont sentis brusqués.
Lorsqu'on est exilé en soi-même à quoi bon courir le monde...